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(Rev. Zool. afr., 89, n° 4) (A paru le 31 décembre 1975). Réflexions sur le choix de la nidification ou de l'incubation buccale comme mode de reproduction chez certaines populations de Poissons Cichlides du Lac Tanganyika.PAR PIERRE BRICHARD (Bujumbura, Burundi)
Les deux populations qu'il nous fut donné d'étudier plus particulièrement, furent celles des Cichlides littoraux des fonds de sable et de roche, à l'exclusion des habitats de boue très difficiles à explorer, compte tenu de la turbidité de l'eau. Plus de 500 plongées individuelles, soit près de 1.000 heures passées sous la surface de ce Lac y furent consacrées. Le champ d'exploration s'est étendu d'une part de la surface jusqu'à une profondeur n'excédant pas 40 mètres, et d'autre part couvrit les deux grandes zones des côtes rocheuses de la rive du Burundi, soit Kabezi / Minago et Nyanza-Lac, et ensuite, les hauts fonds sableux de l'embouchure de la Rusizi, et de Bujumbura à Kabezi. Ces critères sont : a) le grégarisme ou l'individualisme, propre à chaque espèce. Les poissons d'une même espèce vivent en bandes, et l'espèce est grégaire ou en solitaires, ou en très petits groupes, et l'espèce est individualiste. b) la nage et la ponte à découvert, sur des fonds nus, ou en pleine ou mi-eau, ou bien sous abri, c'est-à-dire en profitant de la protection que le substrat peut offrir. c) la tendance au déplacement dans le périmètre de l'habitat, ou bien à un sédentarisme. Il ne s'agit donc pas ici de migrations de grande envergure, mais à ce que l'on peut appeler " l'errance ", circonscrite à la niche écologique de l'espèce dans un habitat, en opposition au caractère parfois très casanier d'autres Cichlides. Il existe pour chaque espèce un assemblage de ces critères de comportement dont résulte l'option faite pour la ponte. Il convient également de remarquer qu'en règle apparemment générale, les espèces qui pratiquent l'incubation buccale sont polygames parfois peut-être même polyandres tandis que les espèces qui nidifient sont monogames, parfois avec couple formé pour la vie, ou pour une très longue période. Ceci dit, examinons chacun des genres, et parfois les espèces, qui forment les populations littorales, de sable ou de roches, en fonction des critères mentionnes. Nous les classerons d'après le grégarisme, puis la position par rapport au substrat, à découvert ou non, et enfin, le sédentarisme vis-à-vis du substrat.
La première série des espèces grégaires comprend des formes souvent réunies en bancs de plusieurs centaines d'individus. Le comportement de ces poissons est nettement influencé par les stimuli habituels de groupe, déplacements, fuites unidirectionnelles, paniques "explosives" avec reconstitution ultérieure de la bande. La ponte s'effectue simultanément pour tous les individus d'une même bande, sur des nids rudimentaires creusés par les mâles. Ces nids sont cratériformes sur une surface d'une certaine étendue, appelée communément " arena ". Nous avons pu observer plusieurs pontes de Xenotilapia, notamment X. ochrogenys et X. melanogenys, entremêlées, les nids des deux espèces, quoique cratériformes, étant de formes différentes. Les mâles " fignolent " le nid, tandis que, plus haut, les femelles, et les mâles immatures, tournent lentement autour du site. Les mâles nidificateurs montent vers une femelle, dans leur rutilante parure de noce, et l'attirent vers le nid. Le processus se poursuit sans arrêt. Chez les Xenotilapia, comme la ponte est simultanée pour un même banc, tous les œufs dans la bouche des femelles se développent parallèlement de même que les alevins après l'éclosion. De nombreux prélèvements dans des bancs de ces poissons grégaires, effectués sous la surface, en plongée, ont toujours révélé des pontes au même stade de développement dans un même banc. Par ailleurs, l'existence de bancs de juvéniles de ces espèces ayant tous une taille uniforme, et pour des bancs arrivés à des stades variés de développement, semble indiquer le relâchement des alevins simultanément par toutes les femelles d'un banc. Ceci parait normal étant donné les risques énormes courus par ces jeunes dans un biotope absolument dénudé et peuplé de nouveaux prédateurs. Ces derniers sont surtout les grands Neoamprologues, N. attenuatus, N. pleuromaculatus, N. tetracanthus, N. ornatipinnis, N. elongatus et N. lemairei. Les deux derniers étant en partie inféodés aux roches seront examinés avec les Cichlides pétricoles. N. calipterus n'a pu être aperçu sur les lieux de ponte et les modes de celle-ci nous sont inconnus. A la différence des autres, c'est un poisson grégaire vivant en bandes de quelques dizaines d'individus. A ces grands Neolamprologues, il faut ajouter Boulengerochromis microlepis qui monte des profondeurs vers ses frayères sur ces hauts-fonds de sable, et dont le comportement est très semblable, au moins pour la nidification. Tous ces Neolamprologus atteignent une taille relativement importante (15 à 25 cm.) et ont une denture très puissante, aux canines fort développées. Cette taille leur permet de nidifier en creusant des cratères parfois imposants et, par une garde vigilante et incessante des parents, d'assurer la protection de la ponte. Nous avons ainsi pu observer des nids de N. attenuatus,dépassant 1,5 m. de diamètre pour une profondeur de 50 cm. Les nids de N. tetracanthus sont à peine plus petits. Les pontes atteignent plusieurs milliers d'œufs. La garde parentale est assumée de part et d'autre du nid, de manière très agressive. Après l'éclosion, cette garde s'écarte progressivement, au fur et à mesure que les jeunes se développent et que leur essaim se dilue avec la croissance. A 3 cm. les alevins sont encore souvent sous la protection du couple. La ponte des Boulengerochromis est la même que celle des grands Neolamprologus, mais le cratère atteint des proportions remarquables, et la ponte plus de 10.000 œufs. Il n'est pas rare de rencontrer des nids d'un diamètre proche de 4 mètres et d'une profondeur de 60 à 70 cm. Une telle excavation implique le déplacement de plusieurs mètres cubes de sable et de fin gravier. Par contre, il arrive que le nid consiste en une simple dépression presque entièrement remplie par la ponte, lorsque elle se fait sur des fonds de sable à proximité de parois rocheuses. La garde est très attentive ; il n'est pas rare de voir les parents attaquer un plongeur en observation au bord du nid et tenter de le repousser, en donnant des coups de boutoirs dans le masque, en mordant dans les palmes, ou en arrachant des touffes de cheveux. Quoi qu'il en soit, le comportement du Boulengerochromis diffère de celui des grands Neolamprologus par l'abandon des alevins a un stade plus précoce de leur croissance c'est-à-dire vers 2 cm. Nous pourrions nous demander si un tel abandon n'est pas prématuré, mais nous avons pu assister à un spectacle des plus extraordinaires. Celui d'une masse d'alevins de Boulengerochromis, de plusieurs milliers d'individus serrés en un globe hémisphérique d'une telle densité qu'il en était opaque, et semblait d'un seul tenant. Ce globe, à la base plane, avait près d'un mètre de diamètre, de couleur cuivrée, métallique, étincelant littéralement, visible à plusieurs mètres de distance. Aucun alevin ne s'écartait, ne fut-ce que de quelques centimètres, de ses voisins, et le globe se déplaçait lentement, animé d'un sens giratoire superficiel. Introduisant le bras dans la masse, nous y provoquions des déformations " ectoplasmiques " dans un sens ou dans l'autre, sans en provoquer la dispersion. Il ne fait pas de doute qu'un tel bloc d'alevins, ne parait pas une proie pour les prédateurs, mais plutôt une menace inconnue, et que les jeunes Boulengerochromis parviennent ainsi à assurer leur survivance. La troisième série de poissons sabulicoles comporte des espèces de petite taille, individualistes, qui doivent absolument recourir aux quelques abris offerts pour survivre et se perpétuer. Il s'agit surtout du petit Neolamprologus ocellatus, qui habite les coquilles vides de Neothauma, où il se réfugie à la moindre alerte, et où il pond. Ce poisson qui atteint un maximum de 6 cm ne pourrait survivre longtemps en milieu découvert. Un second exemple de ces petits Cichlides individualistes est le Neolamprologus modestus, qui atteint à peu près 10 cm. et recourt aux tunnels creusés dans le sable pour y abriter ses pontes. Les jeunes, à la moindre alerte, se réfugient dans le tunnel. Nous reparlerons de N. modestus à propos des zones rocheuses. 1° - de l'incubation buccale pour tous les poissons grégaires, itinérants, avec stimuli de groupe très marqués. 2° - de la nidification en milieu découvert, en nids cratériformes pour les espèces individualistes de grande taille. 3° - de la nidification sous abri pour les espèces individualistes de petite taille. Passons maintenant aux Cichlides de substrats rocheux. Toutes les espèces grégaires qui nous avons pu observer, à l'exception d'une seule, pratiquent l'incubation buccale. Elles vivent également toutes à proximité plus ou moins grande de substrats, depuis 30 ou 40 cm pour Neolamprologus brichardi jusqu'à 2 ou 3 mètres pour Ophthalmochromis et Cyathopharynx. La seule exception à l'incubation buccale est Neolamprologus brichardi, dont la nidification revêt un caractère très particulier. Nous avons pu assister à la ponte d'Ophthalmochromis ventralis, et aussi aux préparatifs d'Ophthalmochromis nasutus et Cyathopharynx furcifer, qui sont très semblables de ceux d' O. ventralis. Il nous a été impossible d'assister à la ponte de Limnochromis microlepidotus, de Limnotilapia dardennei, ni de Cyphotilapia frontosa, mais avons pu également contrôler divers faits dont l'incubation buccale. Chez les Cyphotilapia, nous avons pu contrôler l'incubation buccale à divers stades d'avancement et, au contraire des Cichlidés grégaires sabulicoles, constater que dans un même banc les pontes avaient des stades différents de femelle à femelle.
La présence d'œufs, d'alevins vésiculés et d'alevins complètement formés a été constatée à maintes reprises chez les individus d'un même banc. Dans le groupe d' Ophthalmochromis - Cyathopharynx, le fait que l'on peut voir tout au long de l'année et tous les jours, des mâles en train de préparer des nids, semble bien indiquer une ponte sans stimuli de groupe. L'exemple le mieux documenté, puisqu'il couvre tout le processus de la ponte, est celui d' Ophthalmochrornis ventralis. Les mâles, en parure de noce, préparent une excavation cratériforme dans le sable entre des blocs de roches. Ce cratère atteint à peu près 30 cm. de diamètre, avec des bords relevés de 4 ou 5 cm. Le nid est creusé en déplaçant des bouchées de sable. Les femelles, à un ou deux mètres plus haut, font un circuit lent autour du site où le mâle s'affaire. Il y a des mâles apparemment non matures dans ce groupe. Le mâle nidificateur monte vers le banc des femelles, dont certaines nagent un peu plus bas. Dans certains cas, et constatant que la femelle ne convient pas, il la chasse avec violence. Si la femelle parait lui convenir, il se met à trembler sur place, légèrement de côté, toutes nageoires étalées, à une trentaine de cm. de la femelle. Il lui tourne alors le dos et redescend vers le nid, sans plus s'occuper d'elle. Elle le suit, à distance. Le mâle pénètre dans son nid, se couche sur le côté, recommence à vibrer, se relève et sort du nid dans l'axe opposé de l'approche de la femelle. Celle-ci pénètre alors à son tour dans le nid, avale quelques bouchées d'eau à l'endroit où le mâle s'est couché puis sort du nid. Le mâle y revient, vérifie Si le nid est intact, éventuellement remet quelques bouchées de sable sur le bord du cratère et remonte chercher une autre femelle. Ce qui est étonnant, c'est qu'à aucun moment, le mâle et la femelle n'ont été en contact l'un de l'autre ni que la distance les séparant n'ait été moindre à 30 ou 40 cm. Il semblerait donc que la femelle a déjà les œufs en bouche, non fertilisés, quand elle est approchée par le mâle. Il est vraisemblable que c'est à la distorsion de la bouche, due à la présence d'œufs, que celui-ci discerne parmi les femelles celles qu'il accepte. Il est certain que la fertilisation a lieu lors de la descente de la femelle dans le nid, quand elle y avale des bouchées de laitance. A la distance de 1 m. à laquelle ces observations ont été faites, cette laitance est invisible. La ponte d' Ophthalmochromis nasutus parait très proche de celle d' O. ventralis, au moins en ce qui concerne les préparatifs et le circuit des femelles et des mâles immatures autour du site de ponte ; toutefois nous n'avons pu assister à la ponte proprement dite. La préparation du nid, par Cyathopharynx furcifer nous est apparue, à première vue, comme le comble de l'aberration. En effet, les mâles ont l'habitude, lors de la préparation du nid, d'élever, bouchée par bouchée, du sable des petites étendues qui s'amassent entre les roches, jusqu'au sommet de hauts blocs ou de dalles de grès. On pourrait se demander pourquoi ils prennent cette peine, alors qu'ils pourraient tout aussi bien creuser leur nid sur le sable même. Comme ce nid a un diamètre d'environ 35 à 40 cm., et que les bords ont de 3 à 4 cm., cela implique, pour ce poisson de 20 cm. à peu près, un travail harassant, même s'il néglige souvent de recouvrir le centre de son nid d'une mince couche de sable, et se contente de nettoyer la roche de toutes les impuretés. Nous avons compris la raison, croyons-nous, d'un comportement aussi bizarre, en voyant plusieurs mâles ainsi occupés sur leurs sites respectifs, et il semble bien que c'est tout simplement pour se trouver plus près du banc des femelles qu'ils choisissent une situation élevée pour leur nid. Il semble d'ailleurs que systématiquement, quand de tels blocs sont trop peu nombreux, ce sont les premiers arrivés qui choisissent les meilleures places. Par ailleurs, le comportement de ces petits groupes de mâles entre eux est très peu agressif. Il n'est pas rare d'en voir rendre visite à leur voisin, qui ne les écarte que Si le visiteur pénètre dans le périmètre du nid proprement dit. Quant à Limnotilapia dardennei, dont on peut trouver à découvert sur des fonds de sable ou de roche des bancs nombreux de spécimens allant jusque 10 cm. et même un peu plus, on n'aperçoit que très rarement des grands adultes ayant entre 18 et 20 cm. sur les hauts-fonds et, par la distorsion de la bouche, il apparaît que ce sont essentiellement des femelles pratiquant l'incubation buccale. On sait depuis 1953 que ce poisson grégaire en déplacement constant pratique l'incubation buccale. Le seul Cichlide grégaire pétricole qui ne pratique pas l'incubation buccale parait être Neolamprologus brichardi et sa ponte revêt un caractère très particulier. Les bancs de ce poisson, sur la côte du Burundi, s'étagent entre 40 mètres de profondeur et 3 ou 4 mètres de la surface, en densité décroissante. Nous avons pu constater que ces bancs restent stationnaires sur les mêmes tronçons de côte mois après mois, et même d'année en année. Ces bancs sont d'ailleurs inégalement répartis le long des côtes rocheuses. En de nombreux endroits, on ne trouve que très rarement cette espèce, ce qui permet d'affirmer le sédentarisme de ceux qui ont été repérés. Par ailleurs, la densité de ces bancs, est à coup sûr inhabituelle ; nous en connaissons qui doivent compter entre 50 et 100.000 individus. Tout au long des pentes qu'ils occupent, on peut rencontrer sous l'ombrelle formée par le banc, des niches, petites failles ou surplombs, parfois à découvert, quelques parents rassemblés avec leur progéniture respectives, a proximité immédiate. Ce qui fait tout l'intérêt de cette ponte c'est que plusieurs parents protègent en commun les jeunes, et l'on a même l'impression que cette protection est aussi assurée par les juvéniles des premières pontes, car les jeunes de ce que nous appelons " nurseries " vont de l'alevin de 1 cm. au semi-adulte de 3 cm. La taille des parents, sans les filaments de la queue, atteint au maximum 8 cm. Ce serait le seul cas, à notre connaissance, en Afrique, de protection communautaire accordée aux pontes. Elle n'est possible évidemment que parce que le banc est stationnaire au-dessus des frayères, et c'est inversement peut-être la cause du sédentarisme de l'espèce. Avant d'abandonner la très curieuse éthologie de ces poissons grégaires pétricoles, remarquons en passant que Limnochromis microlepidotus, autant par sa morphologie que par son écologie, est lié aux substrats rocheux. Tous les autres Limnochromis paraissent des poissons de vase, notamment L. otostigma et L. auritius., L. microlepidotus est aussi apparemment le seul Limnochromis à pratiquer l'incubation buccale. Pour ces trois raisons, il nous parait très mal classé dans le genre Limnochromis. Le second groupe des Cichlides pétricoles à incubation buccale comprend une série assez nombreuse d'espèces, généralement de petite taille, qui vivent à l'abri des substrats rocheux proches des rives. Ces substrats sont essentiellement de deux types; soit de gros blocs erratiques, solidement ancrés, sur lesquels viennent se briser les vagues; soit des entassements de galets d'abord, puis plus bas, de moëllons de taille variée. Autour des gros blocs erratiques, de petits groupes, où souvent des individus isolés de Tropheus, de Simochromis et de Petrochromis peuvent être observés, nagent et se faufilent entre les blocs. Il n'y a pas sur cet habitat de Spathodus, d'Eretmodus ou de Tanganycodus. Ces derniers ont comme unique habitat la zone de galets ou d'entassements de moëllons à l'exclusion de tout autre, et encore, à condition que cette zone ne dépasse pas trois mètres de profondeur. Ces poissons quoique abondants, vivent isolés. Les Tropheus, Simochromis et Petrochromis se retrouvent parmi les galets et les moëllons. Les Simochromis descendent rarement plus bas que trois à quatre mètres, mais on rencontre les deux autres genres jusque près de 15 mètres de profondeur. Dans ce cas, ce sont toujours de grands adultes solitaires. Dans le cas des espèces liées à cet habitat (Tropheus, Eretmodus, Spathodus, Tanganicodus, Simochromis, Petrochromis) il y a lieu de constater que le nombre des jeunes est très faible. Nous n'avons jamais vu les parents relâcher temporairement les jeunes et en assumer la protection, comme le font les nidificateurs.
L'espèce atteignant la plus grande taille et pratiquant l'incubation buccale que l'on rencontre sur ces rives rocheuses est Lobochilotes labiatus; ils y montent de 25 à 40 mètres, où ils sont nombreux pour frayer. Ce poisson atteint une dimension de près de 40 cm et l'incubation buccale se pratique pour des pontes atteignant plusieurs centaines de jeunes.
Le dernier poisson pratiquant l'incubation buccale que nous avons pu observer est Perissodus microlepis, qui vit toujours en solitaire, à mi-eau, et attaque les autres poissons pour leur arracher les écailles dont il se nourrit.
Il y a donc parmi ces poissons pétricoles à incubation buccale deux types bien distincts. D'abord ceux qui passent vraiment toute leur vie parmi les éboulis, tous fortement individualistes, ou comme les Tropheus, en petites bandes instables, toujours en mouvement. Il y a par ailleurs, quelques formes qui viennent frayer et pratiquer l'incubation buccale sur les hauts fonds rocheux, tout en étant individualistes et espèces de mi-eau.
Dans le cas des Lobochilotes et des Perissodus, qui ne vivent pas habituellement dans cet habitat, on constate tout d'abord que la ponte est très importante, plusieurs centaines; pour Perissodus, poisson ne dépassant pas 15 cm, nous avons pu constater que le lâchage provisoire des pontes est de pratique courante, même quand les jeunes alevins ont encore une très petite taille, et que les parents ou l'un d'eux assument une garde vigilante près de l'essaim qui est en train de se nourrir à l'extérieur. Au moindre danger, les jeunes se réfugient dans la bouche de leurs parents. Il nous est arrivé ainsi de déranger un Lobochilotes de très grande taille, de le voir « avaler » à toute allure la majeure partie de l'essaim de jeunes, atteignant à peu près 10 mm, s'enfuir en abandonnant le reste, puis revenir quelques secondes plus tard pour récupérer hâtivement ceux qu'il avait dû laisser sur place. Remarquons à propos de Perissodus que les alevins se nourrissent de la couverture microbiologique des roches, et que le régime de l'adulte est uniquement scalivore. Il apparaît à la réflexion qu'il serait difficile aux jeunes alevins de 7, 8 ou 10 mm d'avoir le régime de leurs parents, de courir après d'autres alevins pour effectuer leurs prélèvements, sans se faire gober instantané¬ment eux-mêmes. est possible, le régime de Lobochilotes, paraissant assez mal connu, qu'il y ait une raison identique à cette incubation buccale doublée du relâchement des alevins pour qu'ils se nourrissent en liberté. Cette forme d'incubation buccale parait d'ailleurs la plus fréquente en dehors du lac Tanganyika. Par contre, nous n'avons jamais vu de parents des espèces liées à cet habitat pratiquant la surveillance d'un essaim de jeunes, que ce soit Tropheus, Simochromis, Petrochromis, Eretmodus, Spathodus, Tanganicodus. Les jeunes alevins de ces espèces pourraient donc rester confinés dans la bouche des parents jusqu'au moment de leur relâchage définitif. Il semblerait, par certaines captures, que ces alevins une fois relâchés, se terrent dans les anfractuosités les plus petites et parmi les gravillons entre les éboulis jusqu'à ce qu'ils atteignent une taille leur permettant de se déplacer sans trop de risques. Cette taille est proche de 2 cm. C'est après seulement, à une taille de 3 à 4 cm, qu'on peut les voir de roche en roche, procéder à des déplacements à découvert. Nous n'avons pu observer aucun cas de ponte de ces espèces. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que le cérémonial de la préparation d'un site de ponte par les mâles ne parait pas être pratiqué chez ces Cichlides individualistes, comme il l'est par tous les Cichlides grégaires, pétricoles ou sabulicoles que nous avons pu observer. Les observations en aquarium pour Tropheus semblant bien indiquer une ponte au hasard des rencontres, sans préparation de substrat.
Il nous reste, à propos des Cichlides pétricoles, à examiner les cas de nidification qui sont nombreux, et parfois également très intéressants par leur variété. Ce groupe comprend : les Julidochromis, Chalinochromis, Telmatochromis vittatus et T. bifrenatus, Neolamprologus furcifer, N. savoryi, N. schreyeni, N. leleupi et N. niger, vivant tous dans et parmi les substrats rocheux, composés soit d'éboulis, comme les Cichlides pétricoles incubateurs dont nous venons de parler, soit dans les profondes cavités creusées sous les blocs erratiques, les dalles
de grès, ou même les labyrinthes formés par la soudure des éboulis par enrobement de ces derniers sous forme de dépôt de carbonates. Remarquons en passant que ces genres de poissons sont tous assez proches morphologiquement des Neolamprologues, qui constituent le genre le plus riche en espèces du Lac et qui sont tous nidificateurs. Ces Cichlides nidificateurs peuvent descendre jusqu'à 25 m de pro¬fondeur et même davantage. Certains sont fortement inféodés à l'obscurité, tels Neolamprologus furcifer, N. schreyeni, N. niger et N. savoryi et ne se rencontrent presque jamais à découvert. D'autres le sont moins, tels certains Julidochromis et les Telmatochromis que l'on peut voir en terrain libre, entre des roches largement espacées. Mais en général, l'on peut dire de ces espèces qu'elles sont étroitement liées à leur territoire, plus ou moins étendu. Elles sont certainement plus casanières que les espèces à incubation buccale des mêmes habitats. Le cas parait identique pour Neolamprologus petricola. Tous pondent dans des abris très efficaces, soit le revers des blocs erratiques, ou les cavités profondes formées par ces derniers, soit dans des crevasses, tels Julidochromis, Neolamprologus furcifer et N. savoryi, qui partagent souvent la même cavité pour leurs pontes respectives, soit encore dans des crevasses très étroites où les parents ont souvent peine à se glisser, tels Telmatochromis vittatus et T. bifrenatus ou encore Neolamprologus compressiceps. La caractéristique commune de ces espèces est l'individualisme, parfois très précoce et très agressif, comme celui de Neolamprologus furcifer dans un territoire plus ou moins étendu. Ce dernier choisi comme lieux de ponte des cavités profondes et sous les blocs erratiques de taille importante, et dès leur éclosion, les jeunes se dispersent sur le revers des porte-à-faux de ces blocs, soit des grottes obscures sous la garde des parents jusqu'à une taille de 3 à 4 cm. La particularité de ce poisson, aussi bien juvénile qu'adulte, c'est que sa position favorite est inversée, sur le dos habituellement, ou sur le flanc, ou encore la tête en bas. N. furcifer parait pondre une centaine d'œufs, si l'on peut en juger par la densité des juvéniles.
Julidochromis marlieri qui partage très souvent les mêmes endroits de ponte que Neolamprologus furcifer, et qui adopte très fréquemment ces positions inhabituelles, en diffère toutefois au point de vue du processus de ponte, qui peut adopter deux modes différents. La ponte peut être « continue », chacune de quelques dizaines d'œufs, au mieux, espacée de la précédente par quelques jours. Les jeunes des pontes successives cohabitent avec les parents, très souvent jus¬qu'à un âge avancé. Il n'est pas inhabituel de rencontrer un nid avec des jeunes fraîchement éclos et des alevins de pontes antérieures allant jusqu'à 3 cm. Par contre, il arrive aussi que l'on trouve des nids où tous les jeunes ont une taille identique, ou des essaims en train de se disperser le long des parois rocheuses, dont tous les individus ont une taille uniforme de 2 à 3 cm. Ce phénomène de la présence simultanée de Julidochromis apparemment intrus dans les nids, nous avait surpris jusqu'à ce que nous ayons pu constater en aquarium, que les pontes revêtent deux modes différents. Soit la ponte " continue " que nous venons de décrire, qui accumule jusqu'à 5 pontes sur un intervalle de trois, quatre semaines, soit la ponte en une fois de grandes quantités d'alevins. Non compris les œufs stériles, nous avons compté en captivité des pontes de 255 alevins. Dans ce cas, la cadence est plus lente. La tolérance des parents vis-à-vis des alevins des premières pontes parait très grande, au moins jusque vers 3 cm, les aînés n'attaquant d'ailleurs pas les alevins de 3 ou 4 mm des dernières pontes. Enfin, les, femelles de ces pontes « continues » sont toujours gravides. Les deux modes de ponte ont été observés, chez les espèces suivantes : Julidochromis marlieri, J. regani regani, J. regani affinis et J. transcriptus. Nous avons pu observer J. ornatus qui n'est pas présent sur les rives du Burundi. Le cas de Neolamprologus savoryi parait assez bizarre, étant donné le nombre toujours très faible d'alevins protégés par les parents, une douzaine constituant une belle moyenne. Il est vrai que ces jeunes sont protégés jusqu'à un âge très avancé, leur taille atteignant 3 cm. Il est vrai aussi, que sans être un poisson très rare, il n'est pas commun. Notons qu'au contraire de N. brichardi, avec lequel il a été longtemps confondu, il est solitaire, territorial, apparemment très casanier, et toujours caché, entre les éboulis.
Parmi les Neolamprologus, il nous reste à parler de compressiceps, dont il est fréquent de rencontrer des individus toujours isolés et de petite taille dans les hauts fonds pierreux proches des rives, mais dont les grands et très grands spécimens préfèrent les profondeurs de 10 à 15 mètres et au-delà. Si nous avons pu observer des couples s'introduisant dans une faille très étroite, et c'est le seul cas où nous avons pu observer deux N. compressiceps ensemble (ce qui semblait indiquer la présence d'un nid), nous n'avons pas d'autres renseignements sur ce poisson, très individualiste, généralement à découvert, au territoire sans doute assez vaste, mais qui se réfugie dans ou contre les éboulis à la moindre alerte. On peut découvrir des jeunes de cette espèce de 2,5 cm déjà esseulés, à découvert, sur les bancs de pierrailles. Ce poisson, aux canines puissantes, est à première vue, un carnivore. Toutefois, nous ne l'avons jamais vu, tant dans le lac qu'en aquarium, attaquer un seul poisson, même des jeunes guppys fraîchement éclos, et nous nous demandons s'il n'est pas microbiophage, au même titre que N. brichardi.
Quant aux Telmatochromis caninus et T. temporalis, leur ponte n'a pas été observée. Par suite de la taille des juvéniles que nous avons pu voir, et du comportement des adultes, il semble qu'il s'agisse de poissons territoriaux, individualistes, à nidification sous abri. Observons d'ailleurs à leur propos que si leur inféodation aux roches parait bien établie, ils tolèrent des eaux turbides et fortement chargées de boue, à la différence de bon nombre d'espèces pétricoles.
Il reste à examiner quelques cas particuliers, dont ceux des grands Neolamprologus prédateurs (N. elongatus et N. lemairei) et de Plecodus paradoxus. Les deux premiers, presque immobiles, en solitaires ou par couples, Plecodus en bandes parfois innombrables pratiquant l'incubation, toujours en déplacement très rapide. Ces trois poissons sont présents, tant sur les hauts-fonds de sable que de roche, à mi eau ; attendant leur proie, dans le cas de N. elongatus ou de N. lemairei, ou la pourchassant dans le cas de Plecodus. Rappelons que ce dernier est également un arracheur d'écailles à la dentition très particulière. Si la ponte et ses mécanismes n'ont jamais pu être observés, dans le cas de Plecodus, ceux des Neolamprologus elongatus et N. lemairei sont bien connus. N. elongatus pond à découvert, entre deux blocs erra¬tiques, cherchant tout au plus un endroit dont la protection lui parait aisée. La ponte de plusieurs centaines de jeunes est fort bien protégée, le couple montant une garde d'autant plus proche que l'essaim d'alevins est dense et ceux-ci plus petits. Cette garde, très vigilante et agressive envers les intrus s'atténue quand les alevins grandissent et ne cesse que lorsqu'ils ont atteint près de 4 cm. Pendant un certain temps, l'essaim, quoique fort dilué reste encore groupé et ce n'est qu'à partir de la taille de 5 cm que l'on peut dire que les jeunes mènent une vie vraiment indépendante. Il convient de noter que, même très jeunes, les alevins ne restent pas au ras du substrat mais s'élèvent à quelques dizaines de cm, ce qui en rend la garde d'autant plus difficile pour les parents. Par contre, N. lemairei pond dans les crevasses horizontales ou les cavités creusées dans la surface des dalles de grès. La ponte est abondante, également de l'ordre de plu¬sieurs centaines d'œufs. Toutefois, si la surveillance des alevins est proche au début, elle disparaît très tôt semble-t-il, dès qu'ils atteignent une taille de 1,5 cm. Dès lors, ils paraissent se disperser. A ces espèces indifférentes, semble-t-il, aux critères des fonds de roche ou de sable, il convient d'ajouter L. modes tus, dont nous avons signalé la nidification en tunnel dans le sable. Relativement un peu plus fréquent sur les pentes rocheuses, il parait préférer la zone de galets et de pierrailles, proche de la rive. Aucun cas de creusement de tunnel sur les pentes de sable instables mêlées aux éboulis n'a pu être observé, et nous supposons qu'il nidifie à l'abri des galets ou sous ces derniers.
Résumons les observations qui viennent d'être faites. On peut synthétiser les processus de ponte des Cichlides des substrats rocheux de la manière suivante :
1) Les espèces qui vivent à mi eau, grégaires, en bandes itinérantes plus ou moins nombreuses, ou à découvert, sur un fond dégagé; la règle générale, sauf pour Neolamprologus brichardi, est l'incubation buccale avec parade sur un nid provisoire, plus ou moins rudimentaire. Cette dernière est stationnaire, nidifie et protège ses jeunes en « nursery ». 2) Les espèces qui vivent à mi eau, à découvert, individuellement, de grande taille, nidifiant et protégeant efficacement leur progéniture; leurs nids ne sont pas élaborés comme les nids cratériformes des espèces grégaires de pleine eau. Ils utilisent le substrat (type N. elongatus). 3) Les espèces qui vivent sous abri, avec un territoire ; elles sont casanières, individualistes, nidifient et protègent leur progéniture (type Julidochromis). 4) Les espèces qui vivent sous abri, sans territoire, individualistes, déambulant dans le périmètre de l'habitat, elles font de l'incubation buccale, sans lâchage périodique, sans préparation de nid (type Tropheus et Eretmodus sans doute). 5) Quelques espèces individualistes, de taille petite (Perissodus) ou grande (Lobochilotes), vivant à découvert, pratiquant l'incubation buccale avec lâchage périodique des jeunes pour que ces derniers se nourrissent et ce, sous la surveillance des parents. En fait, si l'on rassemble et trie les données des populations des deux habitats littoraux, on y découvre des lignes de force communes dans l'option entre l'incubation buccale et la ponte sur nid protégé. Cette option parait liée à l'éthologie de chaque espèce en fonction des trois critères mentionnés précédemment : — le comportement social ou antisocial, grégarisme ou individualisme ; — les déplacements à découvert ou sous abri ; — le sédentarisme ou le vagabondage. Toutes les espèces répondent différemment à chacun de ces trois critères et c'est en comparant cette réponse, avec le mode de reproduction choisi par l'espèce que l'on peut sans doute déterminer la raison pour laquelle telle ou telle option a été choisie. Des trois critères, le plus important parait bien le sédentarisme. En effet : — les poissons pérégrins, toujours en mouvement, que ce soit sur sable ou substrat rocheux, ont, dans l'immense majorité des cas, adopté l'incubation buccale parce qu'elle leur permet de protéger leur progéniture, tout en se déplaçant avec la bande s'il s'agit de poissons grégaires, ou seuls s'ils sont individualistes ; — les poissons sédentaires, d'autre part, ont choisi la ponte sur nid avec surveillance des parents; — quand des poissons pérégrins ont choisi la nidification, c'est en général à découvert, et parce que leur taille leur permet d'assurer une protection très efficace contre les maraudeurs. On pourrait ajouter qu'il parait y avoir deux types bien distincts dans l'incubation buccale : 1) l'incubation buccale avec construction d'un site de ponte (type Ophthalmotilapia); 2) l'incubation buccale directe sans préparation d'un site de ponte (type Tropheus). On pourrait ajouter que l'incubation est permanente dans le cas des Cichlides de pleine eau, ou qu'elle est périodiquement interrompue pour assurer la nourriture des alevins, par exemple dans le cas de Lobochilotes ou Perissodus.
Il serait intéressant de pouvoir compléter les renseignements dont il a été fait mention ci-dessus par ceux qui ont pu être observés en captivité sur les mêmes espèces afin de déterminer si les comportements des spécimens en liberté se reflètent chez les individus captifs. Il serait bien sûr important de poursuivre l'étude in situ des comportements des Cichlides du Lac afin de déterminer s'il n'existe pas d'autres critères dirigeant leur option vers l'un ou l'autre mode de reproduction.
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