Burundi : Le carburant se raréfie, les pêcheurs
dans la tourmente - 22/04/2022
- Au Burundi, la pénurie de carburant dure depuis
des semaines. Les conséquences sont déjà désastreuses sur la pêche
dans le lac Tanganyika, un métier qui fait vivre plus de 15 mille
familles selon la Confédération nationale des pêcheurs.
© M.M. - Rumonge
A Rumonge, au sud du pays, à 74 km de Bujumbura, la
capitale économique, les pêcheurs ne savent plus à quel saint se
vouer. Suite au manque de carburant, il leur est aujourd’hui
difficile de subvenir aux besoins de leurs familles. Dans cette
ville côtière, la pêche dans le lac Tanganyika constitue la
principale activité vitale. C’est là qu’on trouve la majorité des
pêcheurs du Burundi.
Sous un soleil accablant, il est 12 heures. A cette plage de pêche
sise non loin du port de Rumonge, le moral n’y est plus. C’est le
calvaire. Désœuvrés, les pêcheurs échangent en petits groupes,
histoire de tuer le temps. Les bateaux sont cloués au sol. Les
moteurs sont à l’arrêt. Il n’y a presque plus de mouvement sur le
lac.
" Ici, les pertes sont énormes. Beaucoup de familles vivaient de la
pêche. Et voilà, actuellement, on n’a plus de carburant pour faire
fonctionner nos bateaux ", raconte Issa Nduwayo, un pêcheur croisé
au site de pêche de Rumonge.
Ce père de six enfants précise qu’avant cette pénurie, il pouvait
avoir du carburant à 21 euros ou 22 euros. « Comme ça, je pouvais
aller en plein lac pour attraper beaucoup de poissons.
On consommait entre 150 et 200 litres. Mais, comme le carburant
manque, on est découragé de pêcher en plein lac. Nos bateaux sont à
l’arrêt », déplore-t-il, notant que sur le marché noir, le prix d’un
litre d’essence a été multiplié par 5 voire plus. « Pour avoir la
même quantité, aujourd’hui, ça me demanderait de débourser au moins
100 euros », souligne-t-il.
Hassan, lui, est un orphelin qui vivait de la pêche. Il lance : «
C’est vraiment très difficile aujourd’hui d’avoir à manger. Notre
patron a arrêté tous les bateaux parce qu’il n’y a pas de carburant.
Je ne vois même pas comment pourrai-je payer le loyer ». Il souligne
que les stations-services sont à sec dans cette ville. « Et le peu
de carburant disponible de façon sporadique se volatilise dans
quelques minutes », se lamente-t-il, notant qu’il venait de passer
plus d’une semaine sans travailler. Or, poursuit-il, c’est lui qui
prend en charge ses petits frères et sœurs.
- Chute de la production de poisson
Sur les différents étals de poissons à Rumonge, la situation est
révélatrice. Il n’y a presque plus de poissons ou de Ndagala séchés.
Les étals sont vides. Ce qui affecte les vendeuses du poisson. " Que
voulez-vous qu’on vous dise. Il n’y a plus de poissons parce qu’on
ne pêche pas. On ne sait plus comment allons-nous faire vivre nos
familles. C’est ici qu’on trouvait de l’argent pour nourrir nos
enfants, payer le minerval, etc. ", s’inquiète Maggy Nusura, une
vendeuse de poisson.
Elle précise que seuls les quelques pêcheurs à rames travaillent
encore. " Et là, quand par chance, ils attrapent quelques poissons,
le prix se multiplie par trois ou quatre par kg. ", décrit-elle,
demandant à l’Etat de faire tout pour que le carburant soit
disponible. Et de l’alerter : " Sinon, beaucoup de familles vont
mourir de faim, des enfants vont abandonner l’école."
Interrogé par l’Agence Anadolu, Gabriel Butoyi, président de la
Confédération nationale des pêcheurs indique que 75% des pêcheurs
ont arrêté leurs activités. « Ce qui doit avoir un impact sur la
production. Or, les 25% restants utilisent des moyens très
rudimentaires et ne peuvent pas arriver au milieu du lac pour
attraper beaucoup de poissons ».
- La crise russo-ukrainienne et la spéculation
" Cette crise a déstabilisé l’offre et la demande en produits
pétroliers au niveau international. Ce qui affecte tous les pays de
la sous-région dont le Burundi ", justifie Freddy Ipoma, directeur
général adjoint d’Interpetrol Burundi, s’exprimant dans
l’hebdomadaire Iwacu. De son côté, interrogé par le même journal
indépendant, Didace Itangishaka, directeur général de Mogas Burundi,
un autre fournisseur du carburant estime que cette pénurie est liée
aux allocations en devises insuffisantes, à la hausse du prix du
carburant à l’international ainsi qu’à la spéculation de certains
importateurs.
Une situation qui préoccupe le gouvernement. Contacté par Anadolu,
Martin Ndayizeye, directeur général de l’Energie au sein du
ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines dit que son
ministère est en train de travailler pour trouver une solution
adéquate. « Bientôt des mesures d’atténuation seront prises et nous
espérons que ces dernières pourront amortir le choc », promet-il,
sans préciser la date.
Au Burundi, depuis fin janvier 2022, le prix officiel d’un litre
d’essence est à 1,21 euros et celui du gasoil a été fixé à 1,19
euros. Mais, sur le marché noir, il oscille autour de 4 euros. |